Le 30 janvier 2025, le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, a reçu à Kinshasa Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères. Cette rencontre, qui fait suite à une série d’échanges téléphoniques entre Tshisekedi et Emmanuel Macron, intervient dans un contexte de tensions extrêmes dans l’Est du pays, marqué par la progression du M23, un groupe rebelle soutenu par le Rwanda. Malgré les discours officiels, cette entrevue met en lumière les limites de la diplomatie française face à un conflit aux enjeux régionaux et internationaux.
L’Est de la RDC en flammes : une guerre aux intérêts occultes
Depuis plusieurs décennies, l’Est de la RDC est le théâtre de conflits incessants où se mêlent guerres ethniques, pillage des ressources naturelles et jeux d’influence géopolitique. Officiellement, la rébellion du M23 serait une énième résurgence des tensions entre Kinshasa et Kigali. Officieusement, elle s’inscrit dans une logique économique implacable : l’exploitation illégale du coltan, du cobalt et de l’or, destinés aux marchés internationaux.
La complicité du Rwanda, régulièrement dénoncée par des rapports onusiens, ne fait plus de doute. Paul Kagame, président rwandais, bénéficie d’un soutien tacite de certaines puissances occidentales, notamment en raison du rôle stratégique du Rwanda dans la région des Grands Lacs. Pendant ce temps, la RDC voit ses ressources pillées sous couvert d’une guerre prétendument ethnique.
Tshisekedi entre fermeté et impuissance
Face à l’avancée du M23, le président Félix Tshisekedi a lancé un appel à une mobilisation militaire massive, espérant inverser le rapport de force sur le terrain. Pourtant, l’armée congolaise, affaiblie par des années de corruption et de désorganisation, peine à contenir l’offensive rebelle. Le gouvernement congolais réclame des sanctions contre le Rwanda et une intervention musclée de la communauté internationale, mais ces demandes restent largement ignorées ou traitées avec une prudence diplomatique excessive.
La récente visite du ministre français des Affaires étrangères aurait pu être l’occasion d’un engagement plus clair de la France aux côtés de la RDC. Or, au lieu d’une condamnation ferme du Rwanda, Jean-Noël Barrot a simplement réitéré la nécessité d’une « solution diplomatique », sans proposer d’actions concrètes. Ce positionnement met en évidence l’ambiguïté de la politique étrangère française, oscillant entre des discours de soutien à la souveraineté congolaise et une prudence stratégique vis-à-vis du Rwanda, allié de longue date de l’Occident.
Une diplomatie française en perte d’influence
L’accueil mitigé réservé à Jean-Noël Barrot à Kinshasa illustre un malaise grandissant entre la France et la RDC. La récente manifestation du 28 janvier, marquée par des incidents à l’ambassade de France, témoigne de la défiance d’une partie de la population congolaise à l’égard de l’ancienne puissance coloniale. Pour de nombreux Congolais, la France n’a jamais pris position avec suffisamment de fermeté contre les ingérences du Rwanda et reste complice, par son silence, du pillage des ressources naturelles du pays.
Face à cette crise, Paris semble hésiter entre le maintien d’une posture diplomatique neutre et une prise de position plus tranchée qui risquerait de froisser ses alliances stratégiques. Cette prudence excessive contribue à l’érosion de son influence en Afrique centrale, une région où la France peine déjà à maintenir sa crédibilité face à la montée en puissance d’autres acteurs, comme la Chine et la Russie.
Vers une escalade inévitable ?
Si aucune réponse forte n’est apportée rapidement, la situation sécuritaire en RDC pourrait s’aggraver, avec des conséquences humanitaires désastreuses. L’avancée du M23 vers Goma fait craindre une nouvelle catastrophe, tandis que l’incapacité de la communauté internationale à imposer des sanctions au Rwanda renforce l’impunité des auteurs de violences.
Tshisekedi, de son côté, se retrouve dans une position délicate : trop faible militairement pour vaincre le M23 seul, mais aussi trop isolé diplomatiquement pour obtenir un soutien militaire extérieur conséquent. Sa marge de manœuvre se réduit, et avec elle, l’espoir d’une résolution pacifique du conflit.
En définitive, la rencontre entre Félix Tshisekedi et Jean-Noël Barrot aura surtout mis en lumière une réalité brutale : sans une prise de position claire des puissances occidentales, la guerre en RDC continuera, alimentée par des intérêts économiques bien plus puissants que les discours diplomatiques.
Times Infos
Par Nancy Nguema.