L’élection présidentielle au Gabon se tiendra le 12 avril 2025, avec une campagne officiellement lancée le 29 mars. Cette annonce, bien que majeure, laisse en suspens une question centrale : qu’en est-il des élections législatives et locales ? Le régime militaire en place depuis le coup d’État du 30 août 2023 semble maintenir un flou stratégique sur l’organisation de ces scrutins pourtant essentiels à la reconstruction institutionnelle du pays.
Une présidentielle sous tension et un cadre électoral incertain
La décision d’organiser la présidentielle en avril 2025 s’inscrit dans la volonté affichée par le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) de remettre le pouvoir aux civils. Pourtant, si le scrutin présidentiel bénéficie d’une date précise, les législatives et locales restent en suspens. Cette incertitude interroge : le régime optera-t-il pour un scrutin unique combinant présidentielle, législatives et locales, ou choisira-t-il d’étaler ces élections sur plusieurs mois, au risque de prolonger la période de transition ?
En théorie, une organisation simultanée des élections permettrait de doter immédiatement le pays d’institutions élues, mettant fin au provisoire et consolidant la légitimité du futur président. En revanche, des élections étalées dans le temps pourraient permettre un meilleur encadrement et une meilleure préparation, évitant une cacophonie électorale. Le choix stratégique du CTRI sur ce point sera déterminant pour la stabilité politique post-transition.
Une stratégie électorale ou une manœuvre politique ?
Le flou autour des législatives et locales pourrait-il être une manœuvre politique visant à donner un avantage au pouvoir en place ? À ce jour, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la transition, n’a pas officiellement déclaré sa candidature, bien que des appels en sa faveur se multiplient. Retarder les autres élections pourrait lui laisser le temps d’organiser un cadre favorable à une éventuelle continuité du pouvoir sous une autre forme.
Historiquement, dans plusieurs pays en transition, la séquence électorale a souvent été manipulée pour servir les intérêts des dirigeants en place. En retardant les législatives et locales, le pouvoir pourrait contrôler plus efficacement les dynamiques politiques et s’assurer d’un Parlement et de collectivités locales en accord avec ses orientations. Cette hypothèse, bien que spéculative, mérite d’être scrutée avec attention.
Un risque d’instabilité institutionnelle
Reporter les législatives et les élections locales après la présidentielle pourrait poser un problème majeur : celui d’un président élu sans contre-pouvoirs institutionnels immédiats. Un Parlement et des assemblées locales en place auraient permis de donner au nouveau chef de l’État une opposition et des forces politiques capables de jouer pleinement leur rôle démocratique.
Or, en cas de décalage des scrutins, la transition risque de créer un vide institutionnel dangereux. Sans députés, sénateurs et conseillers municipaux élus, le futur président pourrait gouverner de manière quasi-monarchique, en s’appuyant uniquement sur des instances provisoires. Cette situation pourrait engendrer des contestations et fragiliser la stabilité politique du pays, d’autant plus que la population gabonaise reste marquée par des décennies de gestion opaque sous le régime Bongo.
Le défi de la transparence et de la crédibilité
L’un des principaux défis du scrutin présidentiel sera de garantir sa transparence et son acceptation par toutes les parties prenantes. Après la chute d’Ali Bongo, le peuple gabonais espère un véritable renouveau démocratique et institutionnel. Mais ce renouveau passe par un processus électoral crédible, lisible et inclusif.
Le CTRI doit rapidement clarifier son calendrier électoral, sous peine de nourrir frustrations et soupçons. La communauté internationale et la société civile gabonaise seront particulièrement attentives à la manière dont ces élections seront organisées. La crédibilité du régime de transition se joue dans sa capacité à respecter un processus électoral impartial et à éviter toute manipulation.
Une transition à un tournant décisif
Le Gabon se trouve à la croisée des chemins. L’organisation de l’élection présidentielle est une avancée, mais l’absence de calendrier précis pour les autres scrutins pose question. Si le régime militaire veut réussir sa transition et éviter les accusations de confiscation du pouvoir, il doit impérativement clarifier ses intentions et garantir un processus électoral équilibré.
En l’absence de réponses claires, le risque est grand de voir émerger une crise post-électorale qui fragiliserait davantage le pays. L’heure est venue pour le CTRI de jouer la carte de la transparence et de la responsabilité.
Times Infos
Par Amir Baron.