Les récentes déclarations du ministre de l’Administration du territoire, Ibrahima Kalil Condé, ont fait l’effet d’une onde de choc en Guinée. En exprimant son intention d’assumer directement l’organisation des prochains scrutins, y compris le référendum constitutionnel, le ministre a ravivé les débats sur l’indépendance et la transparence des processus électoraux dans le pays. Jusqu’à présent, cette responsabilité était dévolue à des organes indépendants comme la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Cette annonce pourrait marquer un tournant décisif dans la gestion des élections, mais aussi dans la confiance du peuple envers ses institutions.
Une remise en cause de l’indépendance des organes électoraux
La CENI, chargée d’organiser les élections en Guinée, est perçue comme un rempart contre les ingérences politiques. Sa mission principale est de garantir des processus électoraux équitables et transparents. L’idée que le ministère de l’Administration du territoire puisse s’arroger cette fonction soulève des préoccupations majeures. Pour de nombreux observateurs, cela équivaut à fragiliser un pilier essentiel de la démocratie guinéenne.
Les critiques estiment que cette décision pourrait accentuer les risques de manipulations électorales et compromettre la crédibilité des résultats. Ils rappellent que dans des contextes où la confiance des citoyens envers leurs institutions est déjà ébranlée, l’indépendance des organes électoraux est non négociable. Des organisations de la société civile et des partis d’opposition appellent donc à un retour à un processus géré par des structures neutres et impartiales.
Des justifications qui divisent
Du côté du ministère, l’argument avancé pourrait être celui d’une meilleure efficacité. Certains partisans du ministre affirment que cette centralisation permettrait d’éviter les lenteurs bureaucratiques et les dysfonctionnements souvent attribués à la CENI. Cependant, ces arguments peinent à convaincre dans un pays où l’histoire récente a montré que les processus électoraux sont souvent sources de tensions sociales et politiques.
Cette annonce intervient dans un contexte où la classe politique est déjà divisée sur la nécessité même du référendum constitutionnel. Tandis que le gouvernement semble déterminé à avancer, l’opposition et une partie de la société civile dénoncent un agenda politique unilatéral et appellent à des réformes plus inclusives.
Un risque d’escalade politique
L’intention affichée par le ministre pourrait exacerber les tensions politiques dans un pays où les processus électoraux ont souvent été marqués par des contestations violentes. Les observateurs craignent que cette décision ne débouche sur une polarisation accrue entre le gouvernement et l’opposition, compromettant ainsi le climat de stabilité nécessaire à l’organisation de scrutins crédibles.
À quelques mois des échéances électorales, la Guinée se trouve à un tournant décisif. La manière dont cette controverse sera gérée pourrait avoir des répercussions durables sur l’avenir démocratique du pays. Alors que la communauté internationale appelle à la vigilance et au respect des normes démocratiques, les Guinéens eux-mêmes restent divisés entre espoir de réforme et crainte de régression.
Conclusion
La question de savoir qui doit organiser les scrutins en Guinée n’est pas seulement une affaire de compétence administrative : elle touche au cœur de la démocratie et de la confiance citoyenne. Si le gouvernement persiste dans sa volonté de centraliser le processus, il devra convaincre d’une transparence irréprochable pour éviter de jeter une ombre sur les résultats. Dans le cas contraire, des tensions grandissantes pourraient bien saper les fondements démocratiques durement acquis par le pays.
Times Infos
Par Cédric Baloch.