Indemnisation des victimes des violences au Sénégal : L’opposition dénonce une stratégie politique déguisée

Depuis la fin des manifestations politiques qui ont secoué le Sénégal entre 2021 et 2024, le gouvernement de Macky Sall a proposé une indemnisation de plus de 15 000 euros (environ 10 millions de FCFA) par famille endeuillée, en réponse aux violences ayant fait de nombreuses victimes. Si cette mesure semble un geste de solidarité envers les victimes, elle soulève une forte inquiétude au sein de l’opposition, qui la considère comme une manœuvre politique visant à consolider le pouvoir du président et à diviser les populations. Derrière cette proposition financière, c’est un véritable bras de fer politique qui se joue, avec des implications bien au-delà du simple règlement des violences.

Une indemnisation perçue comme une récompense partisane

L’initiative gouvernementale, bien que destinée à compenser les familles endeuillées, n’a pas manqué de susciter des critiques acerbes. Les membres de l’opposition, notamment ceux des partis historiques et des mouvements d’opposition, dénoncent ce qu’ils qualifient de « manœuvre politique » orchestrée par le régime pour obtenir un soutien tacite des familles des victimes. En effet, ils estiment que la distribution de ces fonds pourrait être biaisée, favorisant certaines familles par rapport à d’autres en fonction de leurs affiliations politiques.

L’opposition pointe du doigt le risque que cette indemnisation ne devienne un outil de clientélisme, où les victimes proches du pouvoir seraient privilégiées, créant ainsi des divisions sociales supplémentaires. Selon ces acteurs politiques, le gouvernement pourrait utiliser cette aide financière pour se réconcilier avec ses partisans tout en excluant ceux qui s’opposent à sa gestion des affaires publiques.

Une compensation insuffisante face à la violence systémique

Au-delà de l’aspect financier, les critiques portent également sur l’insuffisance de la mesure dans un contexte de violences policières répétées et de répression politique. Pour les partis de l’opposition, l’indemnisation monétaire ne suffit pas à réparer les violations des droits humains commises pendant les manifestations. Ils appellent à un processus de justice plus global, incluant des enquêtes transparentes sur les responsables des violences, des sanctions judiciaires appropriées et des mesures pour prévenir la répétition de tels événements.

« Une indemnisation est certes nécessaire, mais elle ne peut être un substitut à la vérité et à la justice. Les familles ont besoin de justice, pas seulement d’argent », déclare un leader de l’opposition. Cette prise de position met en lumière la fracture entre une politique de réparation symbolique et une attente de réformes profondes dans la gestion de l’ordre public et la protection des droits des citoyens.

La crainte d’un climat de division sociale exacerbé

Les tensions politiques au Sénégal ont atteint un sommet après les manifestations violentes, notamment celles qui ont suivi l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko en 2021. L’indemnisation des victimes, loin d’apaiser les esprits, risque de raviver les rancœurs et d’aggraver le fossé entre les partisans du pouvoir et les opposants. L’opposition s’inquiète que cette mesure crée des fractures encore plus profondes dans la société sénégalaise, alimentant un sentiment de rejet et de méfiance à l’égard des institutions.

Le gouvernement, pour sa part, assure que la proposition d’indemnisation est une démarche purement humanitaire et qu’elle vise à aider les familles à traverser une période difficile. Toutefois, l’opposition reste sceptique, estimant que l’aspect politique de la mesure ne peut être ignoré, d’autant plus que le Sénégal se dirige vers des élections cruciales, prévues en 2024.

L’appel à un dialogue national inclusif

Face à ces divergences, certains membres de l’opposition suggèrent qu’un dialogue national soit entamé pour réconcilier les différentes factions politiques et apaiser les tensions. Ce dialogue pourrait inclure une révision des pratiques policières, la mise en place d’une commission d’enquête indépendante pour déterminer les responsabilités dans les violences et, surtout, la recherche de solutions à long terme pour éviter que de telles tragédies ne se reproduisent.

Mais la question reste ouverte : est-ce que le gouvernement est prêt à engager une telle démarche, ou continuera-t-il à privilégier des solutions rapides et ponctuelles pour gérer les conséquences de ces violences politiques ?

Une indemnisation entre justice et politique

L’indemnisation proposée par le gouvernement sénégalais soulève des interrogations légitimes sur son rôle dans le processus de réconciliation nationale et la quête de justice pour les victimes des violences. Si le geste peut sembler généreux d’un point de vue humanitaire, il semble insuffisant et partiellement instrumentalisé dans le cadre de la stratégie politique du pouvoir en place. En attendant, l’opposition continue de dénoncer ce qu’elle perçoit comme une tentative de manipulation politique et appelle à des mesures plus profondes et inclusives pour une véritable paix sociale et politique au Sénégal.

Times Infos 

Par Mbak Ndèye.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *