Mali : Assimi Goïta face à la fronde syndicale, une dérive autoritaire ?

Depuis sa prise de pouvoir en 2020, le colonel Assimi Goïta s’est présenté comme un homme du peuple, soucieux de restaurer la souveraineté du Mali et de redonner aux citoyens leur dignité. Pourtant, derrière cette rhétorique populiste, les relations entre son gouvernement de transition et les organisations syndicales se détériorent dangereusement. Arrestations de leaders syndicaux, restrictions des libertés d’association et répression des mouvements sociaux dessinent un tableau inquiétant d’un pouvoir de plus en plus intolérant à la contestation.

L’arrestation d’Hamadoun Bah : un tournant répressif

Le 17 juin 2024, l’arrestation d’Hamadoun Bah, secrétaire général adjoint de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), a marqué un point de rupture. Accusé de « faux et usage de faux », il a été placé en détention dans un contexte où de nombreux observateurs dénoncent une instrumentalisation de la justice pour museler les voix dissidentes. En réponse, les syndicats ont lancé une grève de 48 heures paralysant les banques et les stations-service, preuve du malaise grandissant entre le pouvoir et le monde du travail.

Cette arrestation ne peut être vue comme un simple fait divers judiciaires. Elle s’inscrit dans une stratégie plus large visant à neutraliser les contre-pouvoirs. En mettant hors d’état de nuire une figure clé du syndicalisme malien, le régime envoie un message clair : toute contestation organisée sera réprimée.

Suspension des partis politiques et atteinte aux libertés

Quelques semaines avant cette arrestation, en avril 2024, le gouvernement de transition a pris une mesure radicale : la suspension de toutes les activités des partis politiques et associations à caractère politique. Officiellement, cette décision visait à « préserver l’ordre public » face à des menaces de déstabilisation. En réalité, elle consacre une dérive autoritaire, où la voix des travailleurs et des militants se retrouve bâillonnée.

Les syndicats, bien que non directement visés par cette suspension, se retrouvent pris dans l’étau d’un pouvoir qui limite de plus en plus les espaces de contestation. Sans partis politiques pour relayer leurs revendications, les travailleurs maliens se retrouvent isolés face à un exécutif qui dicte seul les règles du jeu.

Un double discours inquiétant

Paradoxalement, Assimi Goïta ne cesse de répéter son attachement au dialogue social. Lors des célébrations du 1er mai 2024, il avait réaffirmé son engagement à améliorer les conditions de vie des travailleurs et à renforcer les discussions avec les centrales syndicales. Mais ces belles paroles contrastent avec la réalité des faits : un climat de peur s’installe, et les syndicalistes qui osent défier le pouvoir risquent des représailles.

Le double langage du gouvernement de transition illustre une stratégie habile : ménager les travailleurs en paroles tout en démantelant méthodiquement les structures capables d’organiser une contestation efficace. Cette contradiction est d’autant plus flagrante que les difficultés économiques s’accumulent, renforçant la nécessité d’un vrai dialogue entre les autorités et les forces sociales.

Vers un verrouillage du pays ?

À mesure que la transition avance, le Mali semble s’enfoncer dans un modèle politique où toute opposition est perçue comme une menace à éradiquer. La volonté affichée d’Assimi Goïta de rester maître du jeu, au-delà des délais initialement prévus pour la transition, explique en partie cette crispation du pouvoir. L’exemple de nombreux régimes militaires montre que la répression des syndicats est souvent le prélude à une confiscation prolongée du pouvoir.

Si le gouvernement ne change pas de cap, il risque de précipiter une crise sociale majeure. Les travailleurs, privés de moyens d’expression légitimes, pourraient être tentés par des formes de contestation plus radicales. Face à cette impasse, la communauté internationale et la société civile malienne doivent exiger un retour aux principes démocratiques et une véritable protection du droit syndical.

L’histoire récente de l’Afrique a montré que la répression des syndicats est rarement une solution durable. Assimi Goïta doit choisir : renforcer un dialogue social sincère ou entrer dans une spirale autoritaire dont il pourrait, tôt ou tard, payer le prix.

Times Infos 

Par Mbak Ndèye.

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