Depuis son accession au pouvoir le 30 août 2023, à la faveur d’un coup d’État militaire contre Ali Bongo Ondimba, le général Oligui-Nguema Brice a incarné pour de nombreux Gabonais l’espoir d’une rupture avec un système politique jugé sclérosé et corrompu. Cependant, à mesure que le temps passe, cet état de grâce semble s’effriter, laissant place à des interrogations sur sa véritable capacité à incarner le changement. Le chemin qui mène à l’élection présidentielle prévue pour le 12 avril 2025 sera un test ultime pour cet homme dont la promesse de « refonder le Gabon » est désormais scrutée avec scepticisme.
Un héritage politique encombrant
L’ancien régime, marqué par plus de cinq décennies de domination de la famille Bongo et du Parti Démocratique Gabonais (PDG), reste profondément ancré dans les structures politiques, économiques et sociales du pays. Bien que le général Oligui-Nguema ait proclamé une rupture avec ce système, des signes montrent que les figures clés de l’ancien pouvoir continuent d’exercer une influence non négligeable. La préservation de ce réseau d’élites, qui contrôle les leviers économiques et administratifs, représente un défi majeur.
En effet, vouloir reconstruire le Gabon tout en collaborant avec des acteurs qui ont bénéficié du statu quo pourrait rapidement s’avérer contradictoire. Le risque est grand de voir le président de transition se retrouver piégé par les mécanismes mêmes qu’il a dénoncés, rendant sa promesse de changement illusoire.
Réformes ou compromis : la difficile équation
La population gabonaise, portée par des attentes de justice sociale et économique, est en quête d’actions concrètes. Les réformes profondes de l’administration publique, la lutte contre la corruption et la redistribution équitable des richesses nationales figurent parmi les revendications les plus pressantes. Pourtant, toute tentative d’instaurer ces réformes risque de heurter les intérêts de l’oligarchie en place, habituée à des privilèges enracinés.
Le général Oligui-Nguema peut-il réellement s’imposer face à ce système ? Les décisions prises dans les prochaines semaines – notamment sur des dossiers sensibles comme la gestion des ressources pétrolières, la gouvernance des institutions publiques et la transparence des processus électoraux – seront un test crucial de son ambition réformatrice.
Une révolution à double vitesse
Si Oligui-Nguema souhaite devenir un président démocratiquement élu en 2025, il devra convaincre au-delà des discours. Pour l’heure, les actions posées restent timides et ponctuées de symboles, mais les changements structurels se font attendre. Le risque d’une « révolution à double vitesse » se dessine : un discours de rupture pour satisfaire les aspirations populaires, mais une inertie administrative et politique qui prolongerait, sous une autre forme, l’héritage du système Bongo.
Les tensions croissantes entre l’attente d’un véritable changement et la réalité des compromis politiques pourraient rapidement cristalliser une opposition, aussi bien interne qu’externe. Déjà, la société civile et certains leaders d’opinion dénoncent un manque de clarté dans les intentions du président de transition.
L’heure des choix
Le défi pour Oligui-Nguema est de se positionner comme un véritable réformateur, capable de dépasser les logiques clientélistes et de réinventer la gouvernance du Gabon. Cela passe inévitablement par des choix courageux : rompre définitivement avec les pratiques de l’ancien régime, renouveler les élites et instaurer une gouvernance fondée sur la transparence et la justice sociale.
Cependant, ce choix pourrait lui coûter cher. S’attaquer frontalement aux intérêts des barons du PDG et à l’élite économique pourrait fragiliser sa base de soutien, voire provoquer des instabilités politiques. À l’inverse, une gestion trop conciliante avec l’ancien système risquerait de ternir son image et de faire de lui un président de transition sans impact durable.
Une trajectoire incertaine
Alors que l’échéance de 2025 approche, le général Oligui-Nguema est à la croisée des chemins. Son avenir politique repose désormais sur sa capacité à concilier vision réformatrice et pragmatisme politique. Les Gabonais, lassés par des décennies de promesses non tenues, attendent des actions fortes et une rupture visible avec le passé.
La question reste ouverte : Oligui-Nguema sera-t-il l’homme d’une véritable révolution politique, ou un simple acteur d’une transition contrôlée par les forces du passé ? Les prochains mois, décisifs, révéleront si le général est prêt à imposer son hégémonie réformatrice ou s’il choisira de composer avec l’héritage encombrant du système Bongo.
Times Infos
Par Amir Baron.