L’univers du football gabonais est secoué par une affaire judiciaire opposant le sélectionneur national des Panthères, Thierry Mouyouma, au journaliste sportif Euphrem Biyogo, directeur de publication du site Cafesport. Accusé de diffamation, ce dernier fait face à des poursuites judiciaires engagées par l’entraîneur, suite à un article évoquant des soupçons de corruption dans la sélection nationale. Cependant, cette démarche soulève des interrogations sur le respect des procédures légales en matière de délit de presse au Gabon.
Un article au conditionnel qui déclenche la tempête
Le 17 novembre 2024, au lendemain de la défaite du Gabon contre le Maroc, Cafesport publie un article mettant en avant certaines incohérences dans la composition de l’équipe nationale. Le journaliste s’interroge notamment sur la sélection de joueurs dont la présence en équipe nationale pose question. Parmi eux, Loïc Owono, interdit de séjour en Afrique du Sud mais tout de même convoqué, Noha Lemina, en attente de régularisation administrative, et Djeff Biloungou, dont l’agent entretiendrait des liens avec le staff technique.
Le texte suggérait également que la promesse du chef de l’État de doubler la prime de qualification à la CAN aurait pu influencer certains choix. Bien que l’article ne mentionne aucun nom, Thierry Mouyouma s’est senti visé et a immédiatement engagé des poursuites contre le journaliste.
Un recours judiciaire qui interroge sur le respect des procédures
Dans un premier temps, Thierry Mouyouma aurait saisi la Direction Générale des Recherches (DGR), un service de la gendarmerie nationale. Cependant, le délit de presse étant régi par le Code de la communication gabonaise, la procédure habituelle aurait dû passer par la Haute Autorité de la Communication (HAC), organe compétent en matière de régulation des médias.
Or, malgré cette précision des textes, le sélectionneur national a décidé de porter l’affaire directement devant la justice pénale. Une décision qui interroge sur l’application des lois en vigueur et qui soulève des inquiétudes quant au risque d’instrumentalisation de la justice dans un contexte où la liberté de la presse est un enjeu majeur.
Un conflit qui prend une dimension politique et médiatique
Face à ces accusations, Euphrem Biyogo s’interroge sur les véritables motivations de son accusateur :
« Pourquoi Thierry Mouyouma se sent-il directement visé alors que l’article ne mentionne aucun nom ? Est-ce un règlement de comptes personnel ou une tentative d’intimidation contre la presse sportive ? »
Ces questions trouvent un écho dans l’opinion publique et au sein de la profession journalistique, où plusieurs observateurs dénoncent une tentative de museler la critique. Certains y voient également une manœuvre pour détourner l’attention des véritables enjeux liés à la gestion de l’équipe nationale.
Entre liberté de la presse et respect des institutions : un dossier sensible
Cette affaire met en lumière les tensions récurrentes entre les médias et certaines personnalités publiques au Gabon. Si la diffamation est un délit qui doit être puni lorsqu’il est avéré, il est essentiel que les procédures soient respectées pour garantir une presse libre et indépendante.
En l’absence de preuves tangibles contre le journaliste et face aux interrogations sur la régularité de la plainte, la HAC pourrait être amenée à se prononcer pour rétablir un cadre juridique clair. D’ici là, cette affaire continue d’alimenter le débat sur la place du journalisme sportif au Gabon et le rôle des instances judiciaires dans la régulation de l’information.
Le verdict de cette affaire pourrait bien avoir des implications plus larges, tant pour la liberté de la presse que pour l’image du football gabonais.
Times Infos
Par Cédric Baloch.